Ce samedi 13 janvier, les électeurs de Taïwan se rendront aux urnes pour élire un nouveau président. Le résultat qui devrait déterminer les relations dans le détroit est très attendu côté chinois, et notamment dans la province du Fujian, qui fait face à Taïwan.
Malgré le vent qui souffle très fort cet après-midi, plusieurs centaines de touristes chinois sont en train de marcher sur ce sentier du littoral. Nous sommes sur la presqu’ile de Pingtan, la partie de la Chine continentale, la plus proche de Taïwan. Le nord de Taïwan est à seulement 68 km d'ici. Les touristes font la queue pour réaliser des selfies devant un grand panneau sur lequel on peut voir la carte du détroit avec gravé sur le haut le chiffre 68. La réunification est la seule option, nous explique cette grand-mère venue visiter le site avec ses amis. "Les Taïwanais ne devraient pas toujours penser à l'indépendance" explique la touriste. "Qu'est-ce que cela leur apportera de bon ? S'ils abandonnent cette idée, la Chine leur apportera un soutien économique important qui améliorera leurs conditions de vie. Et en ce qui me concerne, tant que cette idée d’indépendance n’aura pas disparu, je n’ai aucune envie d’aller visiter Taïwan."
En haut de la colline, on aperçoit les radars de l’armée chinoise qui surveillent en permanence le détroit. Ces derniers mois, Pékin a multiplié les manœuvres militaires. Les pêcheurs de Pingtan ont fait les frais de ces tensions. L’un d’entre eux nous explique que les passages d’hélicoptères de plus en plus réguliers empêchent les bateaux de travailler normalement. La pêche au poulpe, spécialité locale est directement touchée. Ce même pêcheur espère que le résultat de la présidentielle à Taïwan permettra d’apaiser les tensions : "Il y a des manœuvres militaires de plus en plus souvent au sud de l’île. Ces derniers jours, un de nos bateaux de pêche a été retenu par Taïwan, les pêcheurs ont été arrêtés et tous les poissons qu'ils avaient capturés ont été rejetés à la mer. Il serait vraiment préférable que les deux rives du détroit de Taïwan soient réunies. Les pêcheurs taïwanais pourraient venir pêcher dans nos eaux et nous pourrions aller pêcher de leur côté. "
Ce pêcheur de Pingtan (province chinoise du Fujian) espère que les tensions vont baisser dans le détroit de Taiwan
Le secteur de la pêche n’est pas le seul touché. Depuis l’arrivée au pouvoir à Taipeh de la présidente indépendantiste Tsai Ing-Wen, il n’y a quasiment plus d’échange entre la province du Fujian et Taïwan, ce que regrette cette commerçante de Pingtan : "Je souhaite que les relations se détendent entre les deux rives du détroit, ce qui favorisera le tourisme. Les habitants du continent pourront se rendant à Taïwan et les Taïwanais visiteront le continent. Les produits taïwanais pourront également être importés en Chine."
Un peu plus au sud, nous nous rendons dans la grande ville chinoise de Xiamen qui fait face à Taïwan L’université est dotée d’un institut de recherche sur Taïwan. Son directeur Chen Xiancai décrypte pour nous la position chinoise sur l’élection présidentielle du 13 janvier : "Du point de vue chinois, si Taïwan élit un nouveau dirigeant qui souhaite un développement pacifique du détroit et abandonne l’idée d’indépendance, cela favorisera une coexistence pacifique. Je pense que c'est l'attente officielle de la Chine. En revanche, si les Taïwanais choisissent un nouveau dirigeant qui provoque la Chine, il est évident que les relations entre les deux rives du détroit connaîtront des tensions."
L'armée chinoise surveille le détroit de Taiwan à Pingtan (68 kilomètres de Taiwan)
À Xiamen, de nombreux Chinois ont des liens personnels avec Taïwan. L’espoir, c'est que l’élection permette de rétablir ces liens, coupés depuis que le DPP, le parti démocrate progressiste, est arrivé aux affaires à Taipeh. Cette employée chinoise a fait ses études à Taïwan. Selon elle, il faut un changement de pouvoir à Taïwan : "Mes souvenirs depuis l’époque de l'université sont à Taïwan, mes amis sont là-bas, mes professeurs sont là-bas. Mais il n’y a plus de dialogue. C'est très long, je suis rarement en contact avec eux. J'espère que nous pourrons nous parler tous les jours comme avant. Je ne veux absolument pas voir le DPP revenir au pouvoir et être réélu. J'espère qu'un parti politique pro-continental arrivera au pouvoir, et alors nos relations entre les deux rives du détroit pourront revenir à un état de proximité comme autrefois."
Ce que redoutent de nombreux habitants du Fujian, c’est une intervention militaire de la Chine à Taïwan qui aurait un impact sur les deux côtés du détroit, mais pour le professeur Chen, c’est une option peu probable à court et moyen terme : "La puissance économique de la Chine continentale lui donne aujourd'hui de nombreux moyens à utiliser afin de maintenir la sécurité de son territoire national. Le recours à la force en est un, mais l'économie est aussi un moyen. Il n'y a pas qu'un seul type de guerre, Pékin a beaucoup d'atouts en main. La pensée traditionnelle chinoise consiste toujours à considérer la paix comme la chose la plus précieuse, à travers la communication, la coopération, la négociation, à essayer de ne pas aller vers la confrontation militaire. Le peuple chinois a depuis longtemps réglé ses problèmes sans recourir à des moyens militaires, de sorte que la question de Taïwan doit être traitée de la même manière."
La province du Fujian est au cœur de la stratégie chinoise pour conquérir Taïwan. avec notamment un projet de tunnel ferroviaire sous-marin dans le détroit. Idée que les Taïwanais ont pour le moment toujours rejeté.
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